21/11/2019 [Séminaire « Santé et Religion »] : Une anthropologie de la naissance entre visible et invisible
21/11/2019 [Séminaire « Santé et Religion »] : Une anthropologie de la naissance entre visible et invisible
20 novembre 2019 Aucun commentaire sur 21/11/2019 [Séminaire « Santé et Religion »] : Une anthropologie de la naissance entre visible et invisibleDans le cadre du séminaire « Santé et Religion » (édition 5) organisé par Serena Bindi (Canthel)
Jeudi 21 novembre 2019
13H30-20H00
Université Paris Descartes, 45 rue des Saints Pères, Paris 6e
salle R213, au 2e étage bâtiment central
Une anthropologie de la naissance entre visible et invisible
Claudine Gauthier (Université de Bordeaux / IIAC-LAHIC)
Entre politique de la naissance et politique patrimoniale: le Jiyo parsi programme.
Conceptions divines: savoirs et pratiques féminines du corps reproducteur à Bhuj (Inde du Nord).
Rosanna Sestito (Institut des Humanités en médecine de Lausanne / CH)
L’accouchement par césarienne à Yazd entre religion, médecine, mythes et croyances: quelle est la place des femmes ?
Résumés des interventions
Claudine Gauthier. Le programme Jiyo Parsi a pour but exclusif, à son origine, d’inciter les Parsis, minorité ethnoreligieuse de l’Inde contemporaine dont la population est en fort déclin, à augmenter le taux de natalité au sein de la communauté, si besoin en proposant et finançant les traitements médicaux nécessaires comme le recours à la FIV. Il s’inscrit aujourd’hui dans une perspective plus vaste ciblant le champ de la santé au sein de cette communauté mais, dans les faits, cet élargissement concerne surtout une aide pour les seniors d’une famille parsie ayant plus d’un enfant, toujours dans le même but de favoriser la procréation par des moyens incitatifs polymorphes visant à lever ses freins à la natalité, tout aussi pluriels. Ce programme est original à plus d’un titre. Je ne citerai ici que deux facteurs, dont l’intersection servira de base aux grandes questions posées lors de ma communication. Le programme Jiyo parsi est financé par le gouvernement indien ; or la communauté Parsie est la seule minorité d’Inde à être inscrite dans une politique nationale d’accroissement des naissances. En parallèle, ce programme est intégré au projet PARZOR, reconnu par l’UNESCO, en vue de la promotion et de la préservation du patrimoine et de la culture zoroastrienne parsie. Et l’exceptionnalité du Parsi allant jusqu’à ses pathologies dans le champ de la santé, volontiers ramenée à des freins à la procréation auxquels il faut porter remède, est explicitement évoquée dans la présentation de ce programme patrimonial. Quid de cet entrecroisement entre politique nationale d’aide communautaire à la procréation et champ du Patrimoine ?
Lucia Gentile. Cette communication veut réfléchir sur le rôle des différentes entités spirituelles dans les représentations de la reproduction selon les femmes et les dai māṃ (sages-femmes traditionnelles) que j’ai rencontré dans la ville de Bhuj, dans l’Inde occidentale. L’articulation des connaissances anatomiques et physiologiques du corps reproducteur féminin mets en lumière la présence de diverses forces spirituelles qui peuvent l’influencer. En premier lieu, comme le souligne Godelier (2005), «il faut toujours plus qu’un homme et une femme pour faire un enfant»: la volonté divine est centrale dans la formation d’une nouvelle vie. En effet, il n’est pas possible de concevoir si le divin ne l’a pas écrit dans le destin (karma, kismat) du couple. Par conséquence, l’infertilité peut avoir une origine physiologique comme divine et seulement en déterminant la cause une femme peut choisir le parcours plus apte: médecine allopathique, médecine locale (deśī), offrandes dans un lieu de culte ou un mélange de ces trois. Au-delà de réfléchir sur l’articulation de médecine et religion dans les représentations de l’infertilité, la communication portera sur la présence de naissances ‘démoniaques’ dans la région. En effet, certains esprits (bhūt) sont censés hanter le ventre des femmes qui ne se protègent pas en certaines situations, en prenant l’aspect d’un enfant. Cette forme de possession ne se différencie guère d’une grossesse et c’est seulement au moment de l’accouchement que la femme peut découvrir d’avoir délivré un esprit (bhūt), en reconnaissant des caractéristiques considérées monstrueuses. La communication présentera la physiologie du corps reproducteur féminin, en soulignant comment cela peut être influencé par différentes entités spirituelles. Qu’est-ce la mobilisation de telles entités nous dit des relations entre religions et médecines? Les données à la base de la recherche se composent de récits de trente femmes et dai māṃ de la ville de Bhuj. La recherche a une approche intégrant une méthodologie visuelle et narrative, proposant la technique de la cartographie corporelle comme outil d’analyse des représentations corporelles. Ces matériaux ont été rassemblés à partir d’enquêtes de terrain conduites dans le cadre de ma recherche doctorale en anthropologie.
Rosanna Sestito. Ma recherche s’intéresse à la “culture de la césarienne“ en Iran dans la région de Yazd dans une perspective socio-anthropologique. La notion de temporalité, c’est-à-dire à quel moment de la grossesse et de l’accouchement on décide pour un accouchement par césarienne, sera au cœur de ma réflexion. Mon enquête sera conduite dans la province de Yazd en Iran. Yazd est la capitale de cette province située entre le désert du Dasht-e Kavir au nord et celui du Dasht-e Lut au sud. Cette ville a été et reste encore aujourd’hui le principal centre de la religion zoroastrienne. D’ailleurs la première maternité de Yazd a été créé par les adeptes de cette religion. Lors de mes séjours de terrain j’ai pris contact avec les enseignantes de l’école de sages-femmes de la ville de Yazd. J’ai rencontré certaines d’entre elles à plusieurs reprises et aussi dans des moments très ludiques. Les sages-femmes et les médecins que j’ai rencontrés, les femmes que j’ai écoutées, m’ont permis de discuter autour de mon sujet. Au contact de la réalité la première fois que j’ai mentionné l’augmentation des accouchements par césarienne je découvre qu’il s’agit ici d’un perpétuel aller-retour entre la tradition, la poésie, la religion, la mythologie et la réalité des choses.