Axes

Les axes de recherche du CANTHEL

Les membres du Centre d’Anthropologie Culturelle (CANTHEL) mènent des recherches sur une pluralité de sujets et de terrains spécifiques.

Depuis la création du laboratoire en 2010, ils articulent leurs thématiques de recherches autour de trois axes dont vous trouverez ci-après la présentation, pour la période 2020-2025 et les précédentes.

2020-2025

Responsables Erwan Dianteill et Marie-Luce Gélard

 

Depuis sa création, le laboratoire développe une interrogation sur les conditions d’exercice du métier d’anthropologue, sur les attendus épistémologiques, sur les catégories fondamentales et sur les conséquences éthiques de la discipline anthropologique. Il s’agit pour nous d’approfondir des questions épistémologiques et méthodologiques pour interroger les frontières de l’anthropologie : où se situe la spécificité de ses objets et de ses approches ? Comment peut-elle contribuer au dialogue interdisciplinaire ? Le principe fondateur de son identité, le « terrain », est désormais pensé au prisme de l’enquête en tant que relation : quelle éthique et quelles pratiques du terrain et quel rapport entre enquêteur et enquêtés ? Qu’est-ce que « faire science » en anthropologie quand les injonctions institutionnelles, les relations contractuelles et la reconnaissance sociale de la discipline mettent à l’épreuve ce qui la définissait classiquement ?

 

Au sein de ce thème, un premier ensemble de questionnements concernera la notion d’altérité, ses reconfigurations contemporaines et le type de réflexivité qu’elles imposent dans la conduite de l’enquête. Nous partageons la conviction selon laquelle l’anthropologie critique n’est pas de promouvoir l’altérité, mais de la réduire. Ce projet de déconstruction est d’autant plus d’actualité que nombre des terrains des chercheurs du Canthel voient le déploiement de revendications et/ou d’assignations « identitaires » qui mettent en avant une singularité culturelle essentialisée, à des fins de reconnaissance juridique, politique, économique, etc. Alors que la différence culturelle est en quelque sorte « capitalisée », et qu’on voit le développement d’une « économie de l’altérité»/ressemblance, quelle juste distance pour les savoirs anthropologiques ?

 

Un second ensemble concernera la relation d’enquête, dans un contexte postcolonial de formalisation parfois extrême qui oblige à la négociation quant à la place de l’anthropologue, l’objet de son enquête, ses modalités de réalisation, et celles de sa restitution. Obtention d’un permis de recherche, inscription dans un protocole, recueil d’un consentement préalable « libre et éclairé », aval de comités d’éthique, contrôle de la recherche par ses « bénéficiaires », etc. sont autant de contraintes dans l’exercice du métier d’anthropologue. A contrario, comment, sur des terrains qui ignorent ce type de pratiques d’administration de la recherche, construire un protocole d’enquête déontologique, soucieux du respect des enquêtés, d’autant plus que ces derniers sont dans des situations de vulnérabilité, de disqualification, de subalternité ? Sur d’autres terrains, nos enquêtes, sur la patrimonialisation ou le monde de l’art par exemple, partagent cette préoccupation pour la valorisation sociale du rôle des enquêtés, cette fois  en tant que co-producteurs (« lectorat-participant » ou « coécrivant-participant », etc.). Leurs attentes, à l’instar de celles des enquêtés « vulnérables » sont déterminantes, voire conditionnent l’élaboration du savoir ethnographique et les enjeux de sa réception. De ce point de vue, nous nous intéresserons aux défis d’une ethnographie dialogique ou partagée.

 

 

Un troisième ensemble de questionnements concernera les modalités d’enquête sur de nouveaux objets/terrains. Comment appréhender des situations ethnographiques pour lesquelles les outils méthodologiques traditionnels s’avèrent limités ou qu’il s’agit de (ré)inventer ? Ainsi, pour ethnographier les univers sensoriels, selon quelles modalités aborder sur le terrain le langage des sens et des affects lorsqu’on se passe de la parole ? Comment enquêter sur le langage des sens comme substitut aux verbalisations alors que l’enquête ethnographique s’est historiquement construite dans l’interaction verbale et les « représentations » qu’elle est censée véhiculer ? Comment enquêter également sur des configurations marquées par l’irruption de rupture ou de violence, comme par exemple dans la gestion de décès collectifs ou soudains (catastrophes naturelles, conflits armés, guerres…) ;  lorsque la mort brutale et violente bouleverse l’existence des enquêtés mais aussi celle des chercheurs qui tentent d’appréhender la situation ?

Responsables :  Serena Bindi & Marie-Luce Gélard

 

Le second axe poursuivra une perspective de recherches autour du corps initiée lors du quinquennat précédent et qui ne soit pas uniquement informée par l’anthropologie médicale. Il s’agira d’étendre la compréhension des enjeux qui entourent le corps, en croisant diverses approches, complémentaires et non exclusives les unes des autres. Sera abordée la question du corps en tant qu’objet de pouvoir, dans le cadre de pratiques aussi bien médicales que politiques ou religieuses. À travers l’action et les manipulations exercées sur les corps et les esprits, comment ces pratiques façonnent-elles les sujets ? Sera également mobilisée une perspective d’anthropologie sensorielle. Comment les univers sociaux sont, sur des modes divers, des univers sensoriels définissant usages et langages des sens comme substitut aux verbalisations ? Une autre dimension sera celle des représentations de la maladie, de l’infortune et de la mort violente véhiculées par les groupes sociaux et/ou les institutions biomédicales, religieuses ou judiciaires. Loin d’être épuisé, ce domaine classique de l’anthropologie du corps et de la maladie est aujourd’hui le théâtre d’un développement rapide de nouvelles configurations épistémiques. Configurations que l’on cherchera à élucider à partir d’observations ethnographiques des contextes d’énonciation et d’application des différentes doctrines et des systèmes de classification des maux touchant aux corps et aux conceptions de la personne.

 

Autour de la thématique sensorielle, Marie-Luce Gélard montrera comment une analyse des sens peut offrir de nouvelles perspectives à l’intelligibilité des rapports sociaux, que ceux-ci relèvent de l’intime ou du politique. En effet, les hiérarchies sensorielles dépendent d’univers culturels spécifiques qu’il revient à l’anthropologie de décrire et dont il lui appartient de restituer la cohérence et la logique. Accéder à la compréhension des manifestations sensorielles suppose une connaissance approfondie et intime des sociétés qui nécessite de joindre approche ethnographique et historique. Ces recherches sur la relation entre les sens et la culture s’inscriront dans une perspective pleinement pluridisciplinaire. En effet, si les études menées en anthropologie sensorielle sont très atomisées, elles le sont nettement moins chez les historiens où l’histoire des sensibilités a inauguré, depuis plusieurs décennies, un véritable espace des recherches autour du sensible. La question des sens est éminemment fédératrice, elle s’intègre dans des domaines de recherche d’une grande variété, touchant aussi bien à l’environnement (relations des sociétés à la nature mais aussi des individus et de leurs espaces de vie), qu’à l’histoire des sensibilités ou encore à l’écologie sensible (à travers l’étude des mondes urbains, les propriétés sensorielles des nouveaux matériaux), etc.

 

Erwan Dianteill proposera d’esquisser une théorie générale de la religion, de la magie et de la sorcellerie, à partir de ses terrains successifs à Cuba, aux Etats-Unis et au Bénin. Cette recherche part d’une hypothèse forte, à savoir que la religion, la magie et la sorcellerie sont des domaines d’activité irréductibles les uns aux autres, et pourtant indissociables, avec un rapport au corps spécifique. Ce qui leur est commun est le caractère surnaturel de leur champ d’action : le prêtre, le magicien et le sorcier se meuvent dans un univers qui échappe aux lois du monde profane. Pourtant, leurs modes d’action diffèrent. La religion se caractérise par la relation spirituelle (i.e. le rapport avec des entités immatérielles), la magie par l’action sympathique (distincte de l’action technique) et la sorcellerie par le pouvoir de l’intentionnalité paradoxale (l’envie est à l’origine du mauvais œil, sans être un acte volontaire). Il s’agira d’étudier dans cette perspective quelles sont les techniques du corps impliquées par ces activités, qu’il s’agisse des spécialistes hiérocrates ou des patients laïcs. Il faut aussi noter immédiatement que ces trois modes d’action surnaturelle ne sont pas nécessairement marqués moralement. La question de la santé, du mal et de la maladie est indissociable de la question spirituelle : il peut y avoir de la mauvaise religion (le satanisme) et de la bonne sorcellerie (certaines personnes ont un don bénéfique pour autrui). Ils peuvent aussi être pratiqués par une seule et même personne : c’est la division du travail qui peut les séparer. Cette problématique vise à échapper à la binarité magie/religion, typiquement durkheimienne, qui ne permet pas de rendre compte de la complexité de l’action surnaturelle. Enfin, il s’agira non seulement d’étudier les modes d’action surnaturels, mais aussi 1) le type de relation éventuelle entre prêtres, magiciens et sorciers (concurrence, compromis, alliance, conflit symboliques ou physiques) et 2) les rapports entre ces agents spécialistes du surnaturel et le monde profane des laïcs, selon leurs caractéristiques (sexe, âge, classe sociale, ethnicité).

 

Les recherches de Serena Bindi s’attacheront à étudier la gestion des troubles perceptifs et sensoriels entraînés par la perte subite d’un proche et le statut de « présence » de ces absents que sont les morts dans la région Himalayenne centrale (état nord-indien de l’Uttarakhand et Nepal). Les catastrophes naturelles meurtrières qui ont récemment touché la région et les initiatives de prise en charge psychosociale qui les ont suivies ont fait surgir ici un paysage thérapeutique inédit, où coexistent différentes pratiques (rituelles, psychologiques, psychiatriques) concernant la gestion des maladies liées à tous ces deuils imprévus. Si les nosologies associées à ces pratiques ont pour point commun d’associer des troubles somatiques à la présence des morts, elles divergent, en revanche, quant à leur compréhension des symptômes et quant au statut de l’existence qu’elles prêtent aux morts. Que faire alors devant des états somatiques dans un cas acceptés voire recherchés comme indices de la présence d’un mort, et dans l’autre regardés et traités comme les effets néfastes d’un traumatisme obsessionnel ? En se proposant d’étudier cette nouvelle configuration thérapeutique  par le prisme du corps, du ressenti et des affects, ce projet enrichira notre connaissance des pratiques et conceptions existant, dans l’Himalaya, autour de la mort et des troubles qu’elle provoque, tout en contribuent aussi à renouveler la recherche dans les domaines du pluralisme médical et des études sur la mort. Mais l’objectif est également pratique, visant à faciliter la mise en œuvre des soins dans la région. Des activités ont été prévues pour susciter des espaces de réflexion avec les communautés locales et partager leurs idées sur leur expérience thérapeutique avec les praticiens de la santé mentale

Responsables : Serena Bindi & Octave Debary

Le dernier thème de recherche articulera deux orientations complémentaires : l’anthropologie du temps et les processus mémoriels, en particulier à travers l’analyse de la patrimonialisation et de l’artification, du rapport à la nostalgie et au deuil. Dans différents contextes culturels ou interculturels, il s’agira d’étudier la manière dont des identités se constituent et qualifient les agents, les relations sociales, les échanges, la circulation de biens et de prestations. De même, l’imaginaire collectif peut être pensé à l’aune des politiques de la mémoire et des phénomènes de patrimonialisation, envisagés comme des instruments de la pratique à disposition de groupes et d’individus. Les processus mémoriels construisent du commun sous forme d’institutions : patrimoines, musées, mémoriaux, pèlerinages, objets… On s’intéressera aux enjeux qui entourent ces différents régimes de valeur ou de requalification. Enfin, l’analyse des différents usages du temps et de l’histoire permettra d’éclairer les politiques de mémoire. Nous chercherons à analyser en quoi tout rapport à l’histoire repose sur la construction d’un ordre et d’un système culturels qui permettent de comprendre comment une société traite de son passé. La contingence des modèles culturels des rapports au temps, aux différents « régimes d’historicité », s’actualise dans des manières de les définir et par là, de les séparer. Comment s’articulent passé, présent et futur, trois ruptures du continuum que l’on nomme « l’histoire » ? La question du passage de ces seuils temporels oblige à penser leur finitude. Comme si l’histoire cherchait à raconter son passé pour s’assurer d’un présent, voire d’un avenir. Se séparer du passé par une écriture de l’histoire qui, en donnant des lieux aux ancêtres, laisse une place aux vivants. Si cette opération vise à se séparer du passé, elle a aussi affaire à une part irréductible, à un reste. Nous nous intéresserons au travail paradoxal qu’implique la conservation de ce dont on veut se défaire, à l’impossible oubli que le travail de mémoire tente de domestiquer.

 

Serena Bindi proposera une analyse des formes que prend une des émotions liées au rapport que nous entretenons avec le temps : la nostalgie. Si toutes les émotions ont un caractère relationnel et réflexif, car elles sont des manières par lesquelles nous négocions notre rapport à nous-mêmes, au monde et aux autres, la nostalgie participe à la structuration de notre rapport au passé mais aussi à ces autres qui n’habitent plus le présent, les disparus.  L’approche de S. Bindi se fonde sur l’idée que les émotions ne sont pas des états intérieurs d’essence universelle, mais sont construites socialement et ancrées dans un réseau local de significations, sans correspondance exacte dans un autre contexte. On tentera alors de mettre au jour comment la nostalgie (envers des situations et des personnes appartenant au passé) est façonnée et vécue dans différentes régions et cultures. Et comment, même à l’intérieur d’une région donnée,  elle se définit de manière variée selon les diverses pratiques rituelles, artistiques et thérapeutiques en présence. On cherchera à faire ressortir comment les conventions narratives et les contextes interactifs produits par différentes pratiques participent à la fabrication des vécus émotionnels de ce sentiment.

En parallèle, S. Bindi s’intéressera également à la relation que la nostalgie entretient avec la notion de « deuil ». Comment faire face au deuil suscite aujourd’hui de vifs débats scientifiques et de société au sein du monde occidental. Des troubles mentaux liés au deuil ont été récemment inclus dans les deux manuels internationaux de diagnostic psychiatrique, aboutissement historique, selon certains, d’une tendance à médicaliser le deuil et normaliser son déroulement. La catégorie de « deuil » semble toutefois encore inexistante dans beaucoup de régions du monde, de même que la vision et la gestion de la nostalgie qui y sont associées. En Himalaya central, les pratiques psychiatriques et psychologiques, venues de l’Occident et employant la notion de deuil, attribuent la nostalgie aux vivants et ont pour but principal de les guérir, en les aidant à surmonter ce sentiment. À l’inverse, les pratiques et les idiomes rituels, ancrés dans la culture locale, ont tendance, quant à eux, à attribuer la nostalgie aux morts, qui regrettent la vie et leurs proches. Le but principal des rituels est donc celui de guérir les morts et de garantir leur bien-être « psychologique », de sorte qu’ils n’interfèrent plus avec les vivants.

 

 

Un autre axe de recherche développée par Octave Debary porte sur l’analyse des logiques patrimoniales à l’œuvre dans des processus « d’artification » ou « d’artialisation ». Il s’intéressera à la manière dont des pratiques artistiques, muséales ou des mémoriaux placent au cœur de leur dynamique l’enjeu participatif. Pour faire œuvre (art), mémoire (mémorial) ou patrimoine (musée), la présence et l’engagement du visiteur deviennent les conditions de réalisation d’une partie de l’expérience patrimoniale et artistique contemporaine. Octave Debary analysera ces dynamiques en privilégiant plusieurs axes : – L’art contemporain et l’art conceptuel dans l’espace public. Il s’intéressera à des œuvres qui impliquent l’articulation entre un temps de conception (pensé par l’artiste) et un temps de réception (conduit par les visiteurs). Il portera une attention particulière à des enquêtes de terrain menées sur les lieux où les œuvres ont été réalisées en nous intéressant « au pacte de réception » qu’elles engagent. – Le mémorial comme expérience. De nombreux mémoriaux contemporains se construisent à partir d’un engagement du visiteur dans un lieu ou une œuvre. C’est toujours ici (à travers l’expérience d’un lieu) et maintenant (la temporalité de cette expérience) que le travail de mémoire se fait.

2019-2020

 

Depuis sa création, le laboratoire développe une réflexion critique sur les méthodes et principes de sa discipline et des conditions d’exercice du métier d’anthropologue – une réflexion dite épistémologique. Lors de ce nouveau contrat, l’interrogation portera sur les frontières de l’anthropologie et plus particulièrement de ce qui est au coeur de son identité en tant que discipline : le « terrain ».

Depuis sa création, le laboratoire développe une interrogation sur les conditions d’exercice du métier d’anthropologue, sur les attendus épistémologiques, sur les catégories fondamentales et sur les conséquences éthiques de la discipline anthropologique. Lors du précédent contrat, la réflexion théorique et méthodologique était envisagée à travers le dialogue entre disciplines (histoire, linguistique, philosophie). Dans le projet 2019-2023, nous proposons de nous recentrer sur l’anthropologie, dorénavant qualifiée de « discipline rare » (MESR), contexte qui nous incite à chercher une visibilité disciplinaire forte.

Ces réflexions seront poursuivies dans le cadre du thème transversal : Terrains, méthodes et épistémologie en anthropologie. Il s’agira d’approfondir des questions épistémologiques et méthodologiques pour interroger les frontières de l’anthropologie : où se situe aujourd’hui la spécificité de ses objets et approches ? Et comment peut-elle contribuer au dialogue interdisciplinaire ? Au principe de son identité en tant que discipline, le « terrain » est désormais pensé au prisme de l’enquête en tant que relation : quelle éthique et quelles pratiques du terrain quand l’évidence du rapport entre enquêteur et enquêtés est placée sous le signe de la complexité ? Qu’est-ce que « faire science » en anthropologie quand les injonctions institutionnelles, les relations contractuelles et la reconnaissance sociale de la discipline mettent à l’épreuve ce qui la définissait classiquement ?

Ces questions seront explorées collectivement dans le cadre du séminaire général du CANTHEL, opportunité et moyen d’une mutualisation des travaux des différents collègues dont les centres d’intérêts sont par ailleurs très variés quant à leurs objets et leurs terrains. Les contributions individuelles ne sont pas mentionnées ici dans la mesure où il s’agit d’un thème fondamental de débats, de dialogues, voire de controverses.

Au sein de ce thème, un premier ensemble de questionnements concernera la notion d’altérité, ses reconfigurations contemporaines et le type de réflexivité qu’elles imposent dans la conduite de l’enquête. Nous partageons la conviction selon laquelle l’anthropologie critique n’est pas de promouvoir l’altérité, mais de la réduire. Ce projet de déconstruction est d’autant plus d’actualité que nombre des terrains des chercheurs du CANTHEL voient le déploiement de revendications et/ou d’assignations « identitaires » qui mettent en avant une singularité culturelle essentialisée, à des fins de reconnaissance juridique, politique, économique, etc. Alors que la différence culturelle est en quelque sorte « capitalisée », et qu’on voit le développement d’une « économie de l’altérité », quelle juste distance pour les savoirs anthropologiques ?

Un second ensemble concernera la relation d’enquête, dans un contexte postcolonial de formalisation parfois extrême qui oblige à la négociation quant à la place de l’anthropologue, l’objet de son enquête, ses modalités de réalisation, et celles de sa restitution. Obtention d’un permis de recherche, inscription dans un protocole, recueil d’un consentement préalable « libre et éclairé », aval de comités d’éthique, contrôle de la recherche par ses « bénéficiaires », etc. sont autant de contraintes dans l’exercice du métier d’anthropologue, notamment lors d’enquêtes dans certaines communautés « autochtones ». A contrario, comment, sur des terrains qui ignorent ce type de pratiques d’administration de la recherche, construire un protocole d’enquête déontologique, soucieux du respect des enquêtés, d’autant plus que ces derniers sont dans des situations de vulnérabilité, de disqualification, de subalternité ? Sur d’autres terrains, nos enquêtes, sur la patrimonialisation ou le monde de l’art par exemple, partagent cette préoccupation pour la valorisation sociale du rôle des enquêtés, cette fois en tant que co-producteurs (« lectorat-participant » ou « coécrivant-participant », etc.). Leurs attentes, à l’instar de celles des enquêtés « vulnérables » sont déterminantes, voire conditionnent l’élaboration du savoir ethnographique et les enjeux de sa réception. De ce point de vue, nous nous intéresserons aux défis d’une ethnographie dialogique ou partagée.

Un troisième ensemble de questionnements concernera les modalités d’enquête sur de nouveaux objets/terrains. Comment appréhender des situations ethnographiques pour lesquelles les outils méthodologiques traditionnels s’avèrent limités ou qu’il s’agit de (ré)inventer ? Ainsi, pour ethnographier les univers sensoriels, selon quelles modalités aborder sur le terrain le langage des sens et des affects lorsqu’on se passe de la parole ? Comment enquêter sur le langage des sens comme substitut aux verbalisations alors que l’enquête ethnographique s’est historiquement construite dans l’interaction verbale et les « représentations » qu’elle est censée véhiculer ? Dans les configurations marquées par l’irruption et la gestion de décès collectifs (catastrophes naturelles, conflits armés, violence sociale, etc.), comment enquêter dans/sur « l’obscurité épistémique de l’espace de mort », lorsque la mort brutale et violente bouleverse l’existence des enquêtés mais aussi celle des chercheurs qui tentent de l’appréhender ? Que faire de la catégorie du deuil, en tant que catégorie étique ? Une réflexion épistémologique plus large sur l’usage de catégories, issues de la psychanalyse, de la psychologie ou de la psychiatrie, comme « trauma », « résilience » ou « deuil », devrait permettre de renouveler les études sur la mort et le deuil.

Le domaine classique de l’anthropologie du corps et de la maladie est aujourd’hui théâtre d’un renouvellement. La compréhension des enjeux qui entourent le corps, vivant ou mort, croisera diverses approches pour explorer ces nouvelles configurations. Parmi les axes poursuivis : le corps comme objet de pouvoir, dans le cadre de pratiques aussi bien médicales que politiques ou religieuses, et les univers sensoriels définissant usages et langages comme substituts aux verbalisations.

Le second axe poursuivra une perspective de recherches autour du corps initiée lors du quinquennat précédent et qui ne soit pas uniquement informée par l’anthropologie médicale. Il s’agira d’étendre la compréhension des enjeux qui entourent le corps, en croisant diverses approches, complémentaires et non exclusives les unes des autres. Sera abordée la question du corps en tant qu’objet de pouvoir, dans le cadre de pratiques aussi bien médicales que politiques ou religieuses. À travers l’action et les manipulations exercées sur le corps (vivant ou mort), comment ces pratiques façonnent-elles les sujets ? Sera également mobilisée une perspective d’anthropologie sensorielle. Comment les univers sociaux sont, sur des modes divers, des univers sensoriels définissant usages et langages des sens comme substitut aux verbalisations ? Une autre dimension sera celle des représentations de la maladie, de l’infortune et de la mort violente véhiculées par les groupes sociaux et/ou les institutions biomédicales, religieuses ou judiciaires. Loin d’être épuisé, ce domaine classique de l’anthropologie du corps et de la maladie est aujourd’hui le théâtre d’un développement rapide de nouvelles configurations épistémiques. Configurations que l’on cherchera à élucider à partir d’observations ethnographiques des contextes d’énonciation et d’application des différentes doctrines et des systèmes de classification des maux touchant aux corps et aux conceptions de la personne.

Autour de la thématique sensorielle, Marie-Luce Gélard montrera comment une analyse des manifestations du corps et des sens peut offrir de nouvelles perspectives à l’intelligibilité des rapports sociaux, que ceux-ci relèvent de l’intime ou du politique. En effet, les hiérarchies sensorielles dépendent d’univers culturels spécifiques qu’il revient à l’anthropologie de décrire et dont il lui appartient de restituer la cohérence et la logique. Accéder à la compréhension des manifestations sensorielles suppose une connaissance approfondie et intime des sociétés qui nécessite de joindre approche ethnographique et historique. Ces recherches sur la relation entre les sens, le corps et la culture s’inscriront dans une perspective pleinement pluridisciplinaire. En effet, si les études menées en anthropologie sensorielle sont très atomisées, elles le sont nettement moins chez les historiens où l’histoire des sensibilités a inauguré, depuis plusieurs décennies, un véritable espace des recherches autour du sensible. La question des sens est éminemment fédératrice, elle s’intègre dans des domaines de recherche d’une grande variété, touchant aussi bien à l’environnement (relations des sociétés à la nature mais aussi des individus et de leurs espaces de vie), qu’à l’histoire des sensibilités ou encore à l’écologie sensible (à travers l’étude des mondes urbains, les propriétés sensorielles des nouveaux matériaux), etc.

Francis Affergan, professeur émérite, analysera la thématique du corps propre (en tant que chiasme avec soi-même), non plus à travers la logique traditionnelle de l’intenTionnalité qui vise seulement les corps objectifs (la table, le morceau de cire…), mais à travers une logique de l’intenSionnalité qui vise la seule présence charnelle irréductible à toute approche positiviste comme le plaisir, la douleur, la joie, la jouissance, et ce, dans différentes sociétés et cultures (Amazonie péruvienne, Papouasie-Nouvelle-Guinée, désert australien, etc.). Son objectif consiste à dégager un modèle de présence individuée du corps humain, qui contiendrait une logique figurative et iconique ou indexicale (et non plus déductive ou formelle). La présence confère un sens intenSionnel sans avoir recours à une référence extensionnelle. Il examinera enfin, et par voie de conséquence, le problème de la culture éclairé par la pratique optique de la présence.

Erwan Dianteill proposera d’esquisser une théorie générale de la religion, de la magie et de la sorcellerie, à partir de ses terrains successifs à Cuba, aux Etats-Unis et au Bénin. Cette recherche part d’une hypothèse forte, à savoir que la religion, la magie et la sorcellerie sont des domaines d’activité irréductibles les uns aux autres, et pourtant indissociables, avec un rapport au corps spécifique. Ce qui leur est commun est le caractère surnaturel de leur champ d’action : le prêtre, le magicien et le sorcier se meuvent dans un univers qui échappe aux lois du monde profane. Pourtant, leurs modes d’action diffèrent. La religion se caractérise par la relation spirituelle (i.e. le rapport avec des entités immatérielles), la magie par l’action sympathique (distincte de l’action technique) et la sorcellerie par le pouvoir de l’intentionnalité paradoxale (l’envie est à l’origine du mauvais œil, sans être un acte volontaire). Il s’agira d’étudier dans cette perspective quelles sont les techniques du corps impliquées par ces activités, qu’il s’agisse des spécialistes hiérocrates ou des patients laïcs. Il faut aussi noter immédiatement que ces trois modes d’action surnaturelle ne sont pas nécessairement marqués moralement. La question de la santé, du mal et de la maladie est indissociable de la question spirituelle : il peut y avoir de la mauvaise religion (le satanisme) et de la bonne sorcellerie (certaines personnes ont un don bénéfique pour autrui). Ils peuvent aussi être pratiqués par une seule et même personne : c’est la division du travail qui peut les séparer. Cette problématique vise à échapper à la binarité magie/religion, typiquement durkheimienne, qui ne permet pas de rendre compte de la complexité de l’action surnaturelle. Enfin, il s’agira non seulement d’étudier les modes d’action surnaturels, mais aussi 1) le type de relation éventuelle entre prêtres, magiciens et sorciers (concurrence, compromis, alliance, conflit symboliques ou physiques) et 2) les rapports entre ces agents spécialistes du surnaturel et le monde profane des laïcs, selon leurs caractéristiques (sexe, âge, classe sociale, ethnicité).

Les recherches de Serena Bindi s’attacheront à étudier la gestion des troubles perceptifs et sensoriels entraînés par la perte subite d’un proche et le statut de « présence » de ces absents que sont les morts dans l’état nord-indien de l’Uttarakhand, lequel présente aujourd’hui un paysage thérapeutique en mutation rapide. En juin 2013, la catastrophe du « tsunami himalayen » a provoqué ici des destructions à grande échelle et la mort de près de six mille personnes. Les nombreuses initiatives de prise en charge psycho-sociale qui ont suivi la catastrophe ont fait surgir un paysage inédit, où coexistent différentes pratiques (rituelles, psychologiques, psychiatriques) concernant la gestion des maladies liées à tous ces deuils imprévus. Si les nosologies associées à ces pratiques ont pour point commun d’associer des troubles somatiques à la présence des morts, elles divergent, en revanche, quant à leur compréhension des symptômes et quant au statut de l’existence qu’elles prêtent aux morts.  En se proposant d’étudier cette nouvelle configuration thérapeutique de l’après-tsunami par le prisme du corps, du ressenti et des affects, les recherches de Serena Bindi viseront à mieux saisir l’expérience et la représentation de la mort et de ses maux.

Valérie Robin Azevedo poursuivra ses recherches sur l’impact socioculturel des politiques de réparation aux victimes de conflits armés. Elle se centrera sur le traitement rituel et mémoriel des défunts et disparus de la guerre au Pérou, en s’intéressant notamment aux exhumations de charniers et à leurs enjeux sociopolitiques. Si retrouver les corps des disparus reste une quête lancinante des familles, la récupération des restes humains déterrés représente une expérience émotionnelle considérable pour celles et ceux qui y prennent part. Valérie Robin Azevedo réfléchira à la façon dont les vivants (re)tissent les liens avec leurs défunts et aux modalités selon lesquelles les catégories de l’imaginaire culturel et du religieux réinvestissent ce retour inespéré des disparus. Il s’agira de mettre au jour la façon dont l’identification et la ré-inhumation des corps induit des dynamiques sociales inédites qui bousculent le paysage physique et symbolique local. Les exhumations aboutissent, quoi qu’il en soit, à la reformulation des relations avec le défunt, à nouveau traité comme un humain apte à recevoir une sépulture auprès des autres morts de la collectivité (du moins ses fragments ou ses substituts en cas de restes incomplets ou non identifiables). Elle se focalisera sur les bricolages rituels funéraires et sur les modalités de prise en charge du devenir post-mortem de ces défunts, si longtemps associés à la figure de la malemort.

Roger Renaud poursuivra ses recherches ethno-historiques sur l’histoire coloniale nord-américaine. Le corps a été l’un des lieux où se sont cristallisés beaucoup des enjeux de la longue confrontation entre sociétés autochtones et sociétés d’origine européenne. Il l’a été sur le plan symbolique, à travers le langage et l’iconographie, les représentations dans l’imaginaire colonial de la virilité et de la féminité indiennes ou les associations du corps « indien » à une nature où il se fond et du « corps » colonial à une nature dominée. Il a été aussi un élément des adaptations et des résistances autochtones. On peut évoquer, à cet égard, le rapport au corps en relation aux guerres dites tribales. Ou on peut citer l’inscription dans le corps même de grands rites de revitalisation culturelle, comme la Danse du soleil, probablement créée fin XVIIIème siècle parmi des populations en crise du fait des conséquences directes ou indirectes du contact, et qui a été, sur le plan spirituel, à la base de la culture des Plaines alors en gestation. Les représentations, de chaque côté, de la mort infligée par l’autre, sont également riches d’enseignements.

Ce thème articulera trois orientations complémentaires sur les dynamiques de pouvoir et les politiques d’identité qui sont autant de dimensions pour penser l’altérité et le commun dans différents contextes interculturels : « économies réflexives de l’altérité » ; processus mémoriels et patrimonialisation ; reconfiguration des rapports de pouvoirs et nouveaux visages de résistance à la domination en contexte postcolonial.

Le dernier thème de recherche du contrat 2019-2023 articulera trois orientations complémentaires : économies réflexives de l’altérité ; processus mémoriels et patrimonialisation ; domination et résistances en contexte postcolonial. L’étude des « économies réflexives de l’altérité » examine les processus symboliques, politiques ou marchands de productions, de circulations et de consommations de l’altérité. Dans différents contextes interculturels, il s’agira d’étudier la manière dont les altérités imaginées se constituent et qualifient les agents, les relations sociales, les échanges, la circulation de biens et de prestations. De même, l’imaginaire collectif peut être pensé à l’aune des politiques de la mémoire et des phénomènes de patrimonialisation, envisagés comme des instruments de la pratique à disposition de groupes et d’individus. Les processus mémoriels construisent du commun sous forme d’institutions : patrimoines, musées, mémoriaux, pèlerinages, objets. On s’intéressera aux enjeux qui entourent ces différents régimes de valeur ou de qualification. Enfin, l’analyse des différents usages du temps et de l’histoire permettra d’éclairer un moment postcolonial comme rupture à la fois politique (fin des ordres impériaux hérités du XIXème siècle) et idéologique (critique de la prétention universaliste occidentale). On s’intéressera à la reconfiguration des rapports de pouvoir aussi bien dans les anciennes colonies que dans leurs métropoles, ainsi qu’aux nouveaux visages des pratiques de résistance à la domination, de subversion et de transgression (dans les champs scolaire, judiciaire ou religieux).

Saskia Cousin examinera les pratiques et les représentations de l’altérité dans différents contextes vécus comme des « contact zones » : tourisme, coopération internationale, accueil des réfugiés, bidonvilles…. Le tourisme implique une « économie de l’altérité » dont l’analyse permettra d’éclairer d’autres terrains qui seront développés au cours du prochain contrat. L’enquête en contexte touristique sera poursuivie en Ile-de-France en se focalisant sur l’hospitalité marchande et l’économie dite « collaborative », avec, pour contrepoint, l’étude des circuits et des réseaux d’accueil solidaire à destination des migrants. À partir de la question de l’hospitalité – soit la transformation d’un étranger (d’un autre) en ami – l’enjeu théorique sera de réinterroger la rupture entre échange marchand et don-contre don, espace public et privé, communauté et société. La question de la mise en scène et en marché de l’altérité sera également au cœur d’une recherche sur la patrimonialisation et « l’artification » des places, des collectivités et des cultes traditionnels de Porto-Novo (Bénin). Pour chacune des enquêtes, Saskia Cousin étudiera la manière dont l’altérité est convoquée pour qualifier des situations, des agents et des relations, et assigner une valeur particulière à certains échanges, biens et prestations. Elle examinera les dimensions sociales, politiques et économiques de la production de « l’autre », et, en particulier, le point de vue et les résistances des agents et des communautés ainsi « altérisées ».

Poursuivant ses recherches sur le dessin dans des villages sénégalais, Alain Pierrot, professeur émérite, enquêtera sur les graffs du street art dont la mondialisation généralise les modèles qui, malgré la multiplicité de leurs normes esthétiques, procèdent tous d’une perspective occidentale. Dans ses différents styles cependant, le street art vise moins à « représenter » qu’à établir des rapports perceptifs et sociaux directs avec un monde commun centré sur la rue, la limite des murs et des trottoirs étant le lieu privilégié d’où surgissent ces figures sur le mode de l’interpellation. C’est dans un quartier de Bucarest où, il y a une dizaine d’années, la situation des Roms était son thème principal de recherche, qu’Alain Pierrot projette d’enquêter sur les modalités d’apprentissage de pratiques qui restent clandestines ou sont au contraire légitimées par les pouvoirs locaux et le marché de l’art. Les jeunes issus de la minorité Rom pratiquent-ils aussi le street art, et si ce n’est pas le cas, pour quelles raisons ? Ce qui rejoint la question de la perception qu’en ont les habitants et parmi eux les Roms qui utilisent autrement que les graffeurs l’« espace commun » des mêmes friches urbaines.

La recherche développée par Octave Debary porte sur l’analyse des logiques patrimoniales à l’œuvre dans des processus « d’artification » ou « d’artialisation ». Il s’intéressera à la manière dont des pratiques artistiques, muséales ou des mémoriaux placent au cœur de leur dynamique l’enjeu participatif. Pour faire œuvre (art), mémoire (mémorial) ou patrimoine (musée), la présence et l’engagement du visiteur deviennent les conditions de réalisation d’une partie de l’expérience patrimoniale et artistique contemporaine. Octave Debary analysera ces dynamiques en privilégiant plusieurs axes : – L’art contemporain et l’art conceptuel dans l’espace public. Il s’intéressera à des œuvres qui impliquent l’articulation entre un temps de conception (pensé par l’artiste) et un temps de réception (conduit par les visiteurs). Il portera une attention particulière à des enquêtes de terrain menées sur les lieux où les œuvres ont été réalisées en nous intéressant « au pacte de réception » qu’elles engagent. – Le mémorial comme expérience. De nombreux mémoriaux contemporains se construisent à partir d’un engagement du visiteur dans un lieu ou une œuvre. C’est toujours ici (à travers l’expérience d’un lieu) et maintenant (la temporalité de cette expérience) que le travail de mémoire se fait.

Marie Salaün continuera d’explorer le legs colonial en matière scolaire dans d’anciennes colonies françaises du Pacifique sud, engagées aujourd’hui dans un processus de décolonisation inachevé : la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie. Vue de métropole, la marginalité des groupes les plus disqualifiés de cet outre-mer lui-même intrinsèquement périphérique contraste avec le surgissement périodique d’épisodes violents, qui, au-delà de leur caractère conjoncturel, révèlent des tensions sociales structurelles et un rapport à l’Etat et à ses institutions – l’école au premier chef – marqués par une grande conflictualité. L’hypothèse ici est que l’imaginaire politique contemporain des ex-colonisés est fortement balisé par leur expérience de la situation coloniale et de ses aménagements possibles. L’enquête visera à comprendre ce qui se joue du point de vue des mécanismes de domination et de leur destin postcolonial : comment appréhender les continuités et les ruptures entre la condition indigène de l’époque coloniale et la condition autochtone d’aujourd’hui ; quelles sont les modalités effectives de la transmission d’un « passif » colonial d’une génération à l’autre ? Il s’agira d’accéder au « texte caché » des dominés, infra-politique des subalternes, critique du pouvoir « à leur manière », dont le refus de l’école est une des expressions. Si le terrain d’ancrage de cette recherche est un ensemble de quartiers populaires à Tahiti et à Nouméa, l’enquête empirique se déploiera lors du prochain contrat sur d’autres territoires : la Guyane française (Cayenne) et le Mexique (État du Chiapas/État de Veracruz), ce dernier offrant un contre-point intéressant avec la situation française, puisqu’il connaît un déploiement important de mouvements organisés de résistances scolaires contre-hégémoniques.

Philippe Chaudat poursuivra ses recherches consacrées à la production, la circulation et la consommation de l’alcool au Maroc. Ce pays interdit cette marchandise aux Musulmans, mais les consommateurs, les producteurs et les distributeurs sont en grande majorité des Marocains musulmans. La question de la religion, de ses contraintes, de ses interdits et des transgressions dans la société marocaine sera donc au cœur de nos analyses. Les recherches de terrain de Philippe Chaudat prendront en considération non seulement le fait économique et religieux, mais également l’aspect politique, la présence au pouvoir d’un « parti religieux », le Parti Justice et Développement (PJD) ayant une incidence aussi bien sur la production que sur la commercialisation et la consommation des alcools. Le rapport entre l’Islam et l’alcool sera donc sous-jacent à ses recherches : en travaillant sur l’alcool, il s’intéressera aux pratiques liées à cette marchandise mais en les abordant sous l’angle de la transgression. Cette recherche posera également plus largement la question de la qualification des espaces de transgression (privés, publics, intimes…) et de la nature de la transgression : la limite à ne pas dépasser est-elle toujours là où est situé l’interdit ou la transgression existe-elle quand on manifeste clairement et publiquement le non-respect ? En un mot, transgresser au Maroc est-ce uniquement dépasser un interdit ou est-ce manifester le dépassement de cet interdit ?

2014-2018

Depuis 2014, le CANTHEL entretient un dialogue renforcé avec les disciplines connexes de l’anthropologie culturelle. Depuis la création du laboratoire, ses membres s’interrogent sur les conditions d’exercice du métier d’anthropologue, sur les attendus épistémologiques, sur les catégories fondamentales, sur les conséquences éthiques de la discipline anthropologique. Mais ces questions, abordées d’une certaine façon ad intra jusqu’à présent, dans un débat entre ethnologues, sont actuellement reformulées ad extra d’un point de vue disciplinaire, dans le dialogue avec les sociologues et les philosophes.

Des pistes de réflexion communes des disciplines anthropologie et sociologie concerne par exemple des objets-frontières tel que le don, l’étude de croyances, des rituels, des communautés et des organisations religieuses en modernité ou l’identité individuelle et collective.

Les chercheurs du CANTHEL s’efforcent de consolider les méthodes, les concepts, les problématiques de leur discipline, en dialogue avec les autres disciplines. Cela signifie que l’un des objectifs est aussi d’élucider quelles sont les différences disciplinaires, en insistant sur la fertilité de ces différences. Autrement dit, l’existence d’une histoire scientifique spécifique, de théories, d’un corpus de recherches concrètes, de dispositifs d’enseignement particuliers associés à une discipline n’est pas nécessairement un frein à la recherche, ou une barrière à détruire. Le CANTHEL vise à poser les conditions d’un dialogue entre l’anthropologie et les autres disciplines, sans préjuger de son issue, et surtout sans postuler des bienfaits de la fusion entre disciplines hétérogènes.

Cet axe de recherche s’interroge également sur les développements les plus récents de notre discipline, et surtout les voies nouvelles qui lui sont ouvertes.

Depuis son origine, l’anthropologie est partagée entre deux voies. D’un côté, elle s’intéresse à la culture, c’est-à-dire à tout ce qui est acquis et transmis de générations en générations par les êtres humains, de l’autre elle porte son regard sur la société, c’est-à-dire sur le mode d’organisation des collectivités humaines. La première orientation la rapproche des études littéraires, de l’histoire de l’art, de l’archéologie, des humanités en général ; la deuxième de la sociologie et de la psychologie sociale. L’anthropologie nord-américaine a privilégié la première voie dans le sillage de Franz Boas, alors que l’anthropologie française a longtemps porté son regard avant tout sur les structures sociales, suivant en cela Emile Durkheim. Le CANTHEL est un centre d’anthropologie culturelle et sociale, ce qui signifie que ces deux orientations de recherche y sont considérées comme inséparables.

Plus précisément, nous approfondirons dans les années qui viennent la question des formes symboliques de la socialité. Sur quelles valeurs, sur quels signes et indices se constitue un collectif humain ? Comment se reconnaît-on membre d’une société ? Quels sont les critères d’appartenance à un groupe ? Mais aussi, quels sont les critères symboliques d’exclusion d’un collectif ? Il s’agira donc toujours d’envisager le rapport social comme une relation significative, ce qui implique de porter le regard non seulement sur la morphologie sociale et la structure des groupes, mais aussi sur les marqueurs qui en définissent les contours. C’est pourquoi, chacun sur son terrain d’enquête, les chercheurs du CANTHEL posent toujours la question de l’identité et de la différence, au niveau social et au niveau symbolique. Nous tenterons aussi de mettre en lumière, non seulement quels sont les signes d’appartenance et d’exclusion, mais aussi quelles sont les modalités d’intégration collective : l’éducation institutionnalisée, l’apprentissage informel, l’initiation rituelle, mais aussi l’acquisition d’une culture spécifique associée à la consommation alimentaire. Avec la question de l’intégration se pose celle de la porosité des groupes : comment passe-t-on d’une appartenance à une autre ? Quelles sont les règles et les stratégies du cumul identitaire ? A quelle condition peut-on être membre de différents collectifs ? La rupture épistémologique de l’anthropologie moderne avec les ambiguïtés raciologiques du XIX° siècle a eu pour conséquence d’établir que toute culture doit nécessairement être apprise et que les individus ne peuvent se construire que dans des formes de vie instituées en dehors d’eux, en s’identifiant à des « nous » qui leur préexistent. S’il n’y donc pas de socialisation sans apprentissage, l’éducation est centrale du point de vue anthropologique le plus général. Cependant les connexions avec d’autres disciplines, notamment la psychologie, ont souvent posé problème aux anthropologues qui, pour se prémunir contre le risque de réduction psychologique (qu’on a reproché notamment au culturalisme américain), ont eu recours, de Durkheim à Dumont en passant par Mauss, à la notion de « dressage » à l’instar de Wittgenstein. Celle-ci ayant jusqu’à présent d’avantage fait l’objet d’une conceptualisation de nature plus philosophique qu’ethnographique, qui sera réexaminer au regard d’enquêtes empiriques approfondies sur les processus de transmission.

Comment devient-on membre d’une communauté, comment acquiert-on un statut ou une compétence ? L’examen des diverses modalités éducatives est inséparable de celui des valeurs et des activités symboliques propres à la société où elles prennent sens. L’anthropologie de l’éducation que nous pratiquons s’attache à décrire les processus de transmission et d’apprentissage en cherchant à les comprendre dans les dynamiques sociales et culturelles actuelles.

Cet axe porte la signification culturelle du rapport au corps et à ses troubles. Le corps, les affects, la gestuelle, les sens font l’objet d’une intense activité culturelle dans toutes les sociétés. Il n’existe donc aucune maladie qui ne revête une valeur symbolique et qui ne soit articulée au système général des signes circulant en société, en Occident et en dehors de l’Occident. De même, toute thérapeutique comprend une dimension échappant au rapport impersonnel de cause à effet. Dans un grand nombre de cultures, cette dimension est de nature religieuse et morale.

Cet axe porte donc sur les représentations du mal et les pratiques mises en place pour lui donner un sens et lui faire face.

La dimension sociale du mal

Le mal, compris ici au sens de malheur, adversité, événement indésirable ainsi que toute forme de souffrance individuelle ou collective, apparaît au niveau du sens commun comme une dimension pan-humaine, pré-culturelle, capable, comme peu d’autres faits de la vie, de fournir les bases d’une éthique et une épistémologie universaliste. Or l’analyse anthropologique depuis ses origines a contribué à mettre en lumière la dimension intrinsèquement sociale du mal.

Le caractère ambigu et polyvalent que porte la notion de « dimension sociale du malheur » (Marc Augé et Claudine Herzlich, 1984) appelle à une attention particulière et servira de point de départ à notre programme de recherche.

Tout d’abord, le fait que le mal ait une dimension sociale implique que celui-ci relève toujours d’une interprétation sociale tributaire d’un système nosologique déterminé, élaboré et maintenu par le biais d’institutions et de pratiques spécifiques à une société.

En second lieu, le mal est social de par le fait que le système d’interprétation dont dépend sa signification relève d’une grille unique d’interprétation du monde qui, au sein d’une société donnée, gouverne les différents domaines de la vie en société : la représentation du mal, le concept de personne, le corps, les pouvoirs et institutions, les normes et les valeurs qui régulent l’interaction entre sujets.

La fertilité euristique de ce domaine de recherche permettra d’articuler plusieurs thématiques autour de la dimension sociale du mal et du malheur.

Le sens du mal

L’une des interrogations principales soulevées par la question de la dimension sociale du mal est celle relative au sens. La question du sens a fortement imprégné l’anthropologie française, notamment les travaux dédiés à la maladie et la santé. Cet intérêt continu pour le sens a permis de mettre en lumière la façon dont les représentations de la santé, de la maladie et les recours thérapeutiques sont indissociables d’un système symbolique global. Il est important de souligner comment, dans la perspective ouverte par les contributions de différents auteurs, la dimension sociale du mal n’est pas uniquement une donnée qui ressortit à l‘analyse ethnologique mais constitue également la base d’un programme de recherche visant à affiner et renouveler la problématique anthropologique elle-même. En effet, l’étude du symbolisme mis en œuvre pour décrire et maîtriser le malheur dans différentes sociétés est susceptible d’éclairer le débat toujours ouvert sur la rationalité des systèmes de savoir et de croyance différents de la science occidentale.

La maladie

Parmi les différents types de malheurs qui affectent les individus et auxquels il est nécessaire de donner un sens, la maladie et les formes de signification culturelle du rapport au corps et à ses troubles constituent un excellent objet d’investigation afin d’éclaircir non seulement les dynamiques d’interprétation du mal, mais aussi les processus sociaux de façon plus générale.

Dans les projets que le laboratoire développera dans les années à venir, l’anthropologie de la maladie n’est pas envisagée comme distincte de l’anthropologie culturelle et sociale. Une anthropologie de la maladie ne doit pas s’isoler du projet anthropologique global. Il s’agit de comprendre ce qui relève de la représentation, de la pratique et/ou de la politique du corps dans les domaines de la maladie et de la santé mais aussi ce que ces représentations et ces pratiques nous révèlent de la société et de ses sujets. Les recherches qui seront menées par les chercheurs du CANTHEL autour de cet axe d’enquête viseront aussi à montrer comment l’étude de la maladie, de ses représentations ainsi que des pratiques qui accompagnent ses représentations ne se réduit pas à une dimension unique, qu’elle soit politique, religieuse ou thérapeutique, mais appelle l’éclairage de plusieurs démarche d’analyse.

L’événement

L’analyse de la dimension sociale du mal permet aussi de nourrir un débat collectif sur le concept d’événement. Selon la terminologie de De Martino, l’événement, en particulier dans le cas de la « souffrance » l’événement-maladie, induit au niveau personnel une « crise de la présence », à savoir l’impossibilité de « donner un horizon formel à la souffrance, de la rendre objective dans une forme particulière de cohérence culturelle » (De Martino, 1975 [1958]:15). Ainsi l’événement constitue un lieu privilégié très précieux pour la compréhension du contexte social de par ses dynamiques intrinsèques de construction, reconstruction et de négociation.

Cet axe de recherche se propose de cerner certains des enjeux théoriques et empiriques associés à la construction sociale du malheur, son interprétation et sa gestion à travers la prise en considération d’un domaine spécifique : celui des événements liés à la santé et la maladie.

2010-2014

Une enquête de terrain, qui repose sur l’observation participante et sur les entretiens directs mais qui se contenterait d’une lecture purement empirique des cultures, resterait aveugle aux questionnements de leur sens ; mais une interrogation essentiellement épistémologique, sans recours à l’épreuve et au témoignage du terrain in vivo, ne remplirait pas le contrat historique de la discipline qui consiste précisément à coupler les deux aspects.

C’est pourquoi les questionnements d’ordre méthodologique et épistémologique n’ont de sens pour nous que si elles s’enracinent et se valident dans le travail empirique de l’enquête.

La fabrication des modèles dans notre discipline, entreprise essentielle à sa scientificité, doit prendre sa source dans ce que font et dans ce que se représentent les acteurs au plus près de leurs pratiques, cela afin d’éviter de plaquer artificiellement des modèles venus d’ailleurs (la philosophie, la sociologie, l’histoire…) qui, pour pertinents qu’ils puissent paraître, ne rempliraient pas cette fonction mixte qu’on attend d’eux en anthropologie : à savoir simultanément rendre compte des cultures et des sociétés dans le détail et ériger des catégories suffisamment générales pour qu’elles puissent viser, à un moment donné, l’universalité.

Mais tout ce dispositif ne pourrait pas se mettre en œuvre sans la dimension comparative qui constitue, à n’en pas douter, la cheville ouvrière de notre démarche. Car en ethnologie, on ne compare pas trait pour trait dans l’abstraction des idées, mais on compare des systèmes, des activités, des structures, des ensembles dans des contextes. Et l’objectif ultime doit consister à comparer des cultures et des sociétés entre elles, y compris avec la nôtre, afin, par le travail du contraste, de faire surgir des différences et des ressemblances qui n‘auraient pas émergé sans ce dispositif. On ne compare pas pour le plaisir de comparer, mais pour asseoir un sens légitime induit d’une mise en relation et en contradiction.

La vocation première de l’anthropologie demeure celle de la perspective comparative. Ce comparatisme raisonné est le seul gage de la possibilité de mieux comprendre le monde, dans sa complexité mais aussi et surtout dans sa diversité. Nous nous proposons dans cet axe de recherche de rendre compte de la façon dont se constituent des collectifs humains. La parenté joue un rôle central dans ce travail de socialité ; mais nous nous intéressons aussi à des liens fondés sur une complémentarité économique (le réseau), et ceux qui dérivent de la religion, qu’elle soit ou non institutionnalisée.

En ce qui concerne l’anthropologie de la parenté, nous menons une analyse de l’interdépendance des représentations et des pratiques culturelles, par la mise en perspective des théories locales des humeurs (lait, sang, sperme). Si l’anthropologie de la parenté a été « détrônée » par des problématiques plus immédiatement orientées vers l’analyse de la modernité occidentale (sociologie de la famille, gender studies, etc.), on constate aujourd’hui le retour d’études plus formelles, marquant un certain renouveau théorique dans ce domaine. Sans rejeter absolument les méthodes formelles, nous nous proposons plutôt d’articuler la théorie anthropologique des substances à une perspective plus politique : nous pouvons observer sur nos terrains que la perspective substantielle sert à l’évitement des conflits d’intérêts entre groupements alliés. Cette perspective remet en question les théories classiques de l’anthropologie sociale, car, si toute société se fonde en partie sur la parenté, elle se fonde avant tout sur sa manipulation au profit d’intérêts singuliers.

L’anthropologie des réseaux est un domaine nouveau dans notre discipline. Ces derniers seront envisagés sur les différents terrains analysés par les membres de l’équipe. La circulation des personnes, des richesses et des connaissances constituent un angle d’approche privilégiée. L’étude de la culture matérielle permettra l’analyse des mutations sociales (typologie précise des objets endogènes et/ou exogènes ainsi que leur transformation physique et fonctionnelle : « l’industrie de récupération », emploi des matières innovantes, les savoirs techniques locaux). Les répercussions de la culture matérielle dans les domaines technique, économique et social prolongent différentes interrogations en montrant comment l’objet peut devenir un support identitaire et intervenir dans le système de représentation.

L’anthropologie de la religion rejoint largement les questions relatives à la parenté et aux réseaux. Elle s’interroge en particulier sur la constitution de communautés religieuses, au moyen de l’initiation qui crée un lien spirituel entre initiés, et par le biais de réseaux internationaux, sur lesquels s’appuient par exemples les Eglises évangéliques. L’anthropologie de la religion tente ainsi de comprendre comment une relation stable de solidarité entre personnes peut être médiatisée par des entités invisibles. Un questionnement plus radical encore porte sur la nature même de tout lien social : est-il possible que la socialité se dispense de toute référence à des esprits ? Autrement dit, la référence au surnaturel n’est-elle pas au principe de la construction de toute collectivité humaine, même de celles qui semblent les plus sécularisées ?

Signes, symboles, gestes et paroles sont non seulement des éléments de la vie sociale dont l’anthropologue peut difficilement faire l’impasse, mais également des moyens par lesquels il accède à la compréhension de ce qui se joue dans les relations sociales.

Une attention aux multiples dimensions langagières observables dans un contexte donné nous permettra, dans une perspective pragmatique, d’envisager autrement les relations entre discours et pratiques, et d’analyser, dans l’usage qui est fait des signes, symboles ou noms, les rôles d’ajustement qu’ils peuvent assumer. La nomination, en particulier l’attribution de noms propres aux personnes et aux animaux, peut en ce sens être révélatrice d’enjeux sociaux qui dépassent bien souvent la situation de communication dans laquelle elle prend sens, en particulier (mais pas uniquement) dans le cas du recours à des noms-messages (proverbial names), qui offrent la possibilité à l’énonciateur, implicitement, de dénoncer des pratiques et d’inviter à agir autrement.

D’un point de vue systématique, l’analyse des ensembles formés par les signes opérant dans un contexte donné, dans leur expression propre et dans ce qu’ils donnent à voir du jeu social dans lequel ils s’inscrivent, ouvre des perspectives d’enquêtes renouvelées dans une attention plus précise non seulement aux structures, mais aussi aux dynamiques impliquées par l’agentivité (agency) des acteurs concernés. Les noms en usage dans un contexte social peuvent par exemple en révéler l’organisation de différentes manières, dont la cohérence n’est pas toujours évidente et qu’il appartient à l’anthropologue d’analyser dans sa globalité et dans sa dynamique.

Dans la sphère de l’action religieuse, les signes divinatoires jouent un rôle central dans de très nombreuses sociétés. Les esprits s’expriment en général non par les mots du langage ordinaire, mais au moyen d’oracle de différentes natures. Il peut s’agir des propos proférés par un possédé, ou bien de configuration aléatoire, comme le jet de coquillages sur le sol. Dans tous les cas, l’interprétation est nécessaire, et elle se développe dans l’interaction entre devin et consultant. Plus généralement, si la vie sociale est organisée par les échanges langagiers, elle est aussi traversée par l’usage de symboles dont la nature est polysémique et l’interprétation sujette à controverses.

Il s’agit donc de développer une anthropologie linguistique élargie à l’étude des signes religieux et des symboles, fondée sur nos diverses données de terrain, avec pour objectif une plus grande visibilité pour cette discipline frontière encore peu représentée dans le paysage de la recherche française.

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