Mardi 4 avril 2023 | Véronique Antomarchi (Canthel) : Photographie et narration à travers deux projets de recherche : Arctique québécois et présentation d’un objet orphelin sur la Libération de la Corse.

Cette communication propose quelques pistes de réflexion sur la photographie vernaculaire, en particulier celle relevant du domaine privé (albums de famille) dans la fabrique de la mémoire individuelle, familiale et collective. Elle interroge dans une première partie les aspects méthodologiques autour d’un terrain sensible entre silence, souffrance, joie et oubli dans lequel langage et image sont solidaires. Les récits de vie recueillis lors des entretiens deviennent des sources documentaires intéressantes sur le plan de l’oralité, de l’archive de soi et de la compréhension des lieux habités dans leur dimension historique et symbolique.

La seconde partie s’appuie sur la présentation de deux projets de recherche distincts sur le plan culturel, historique, géographique, anthropologique. Ainsi, un premier corpus correspond à des travaux menés depuis plus d’une quinzaine d’années au Nunavik (Nord Québec) dans trois communautés inuit sur la question de « l’imagibilité », c’est-à-dire la façon dont les habitants se représentent leur territoire et leur histoire des années 1960 à nos jours. Cette notion désigne ce qui fait force d’image (mentale et/ou matérielle) dans un territoire, témoigné et sublimé par l’image de cette part du territoire, ainsi que le pouvoir exercé par l’image dans son rapport aux autres images existantes, dans sa représentativité ou bien son atypicité. Nous nous attacherons principalement aux images produites par les habitants eux-mêmes et dans le cadre de notre dernier terrain aux photographies prises par des élèves du secondaire en option photographie.
Le second corpus est constitué d’un album réalisé par un jeune officier lors de la Libération de la Corse en 1943-1944 qui documente à la fois un événement encore méconnu et la vie quotidienne des habitants du Cap Corse comme une parenthèse enchantée en temps de guerre. Il s’agit d’un objet orphelin car l’ECPAD (établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense) ignore l’auteur et la date de son dépôt.

Enfin, la dernière partie de cette présentation s’intéresse aux enjeux liés à la question de l’intégration de ces objets de patrimoine ordinaire dans la sphère publique. Ces images doivent-elles être montrées et vues ? Que révèle leur mise en lumière lors d’expositions muséographiques ? Quelles en sont à la fois les limites et les apports ?