Comment les religions façonnent-elles les conceptions de la « nature » et orientent-elles les engagements environnementaux ? Et inversement, comment l’écologie, entendue ici au sens de courant politique centré sur des enjeux écologiques, influence-t-elle les pratiques et les discours religieux ? Nous proposons d’explorer ces dynamiques dans une perspective anthropologique en rassemblant des contributions portant sur des régions du monde et des formations religieuses variées.

Au cours des dernières décennies, la place grandissante des préoccupations environnementales dans diverses sphères de la vie sociale a incité un nombre – lui aussi croissant – de chercheurs et de chercheuses à s’emparer du thème. Comme le souligne Obadia, la démarche est périlleuse car le débat sur les questions d’écologie et d’environnement est « traversé par des tendances et tentations politiques » (Obadia, 2019). Quant aux liens entre écologie et religion, ils ont surtout été abordés par les acteurs religieux eux-mêmes (théologiens, intellectuels affichant une appartenance religieuse, autorités ecclésiales ou chercheurs en « sciences religieuses »). Depuis une vingtaine d’années, des sociologues, des philosophes ou encore des géographes commencent néanmoins à s’emparer du sujet en l’envisageant dans une perspective plus critique (Hervieu-Léger, 1994 ; Turina, 2013 ; Grésillon et Sajajoli, 2015 ; Martínez Andrade, 2016 ; Santos, 2020 ; Larrère, 2020). Quoique stimulants, ces travaux ont tendance à se focaliser sur des relations entre religion et écologie d’ordre idéologique et sur le point de vue des institutions. Ils laissent ainsi dans l’ombre la façon dont les interprétations religieuses des problématiques écologiques s’élaborent localement, au sein de courants religieux particuliers et de milieux naturels eux aussi singuliers.

Dans le champ anthropologique, les travaux en anthropologie de la nature qui se sont développés sous l’influence de Philippe Descola (2005) ont analysé les liens entre cosmologies autochtones et environnement mais n’ont pas ou peu relié ce sujet aux transformations religieuses contemporaines et à la politisation des questions écologiques. Si quelques articles récents ont examiné, à partir d’enquêtes ethnographiques, les relations entre religions et problématiques environnementales (Laugrand et Oosten, 2010 ; Revet, 2010 ; Becci et Monnot, 2016 ; Chamel 2019), ils demeurent peu nombreux et n’épuisent pas la vaste gamme des appartenances religieuses ou celle des interactions possibles entre religion et écologie.

Le colloque « Religions et écologies » vise à enrichir ce corpus de nouvelles études de cas et à promouvoir les échanges entre spécialistes de divers courants religieux et aires géographiques. Nous proposons de réfléchir non seulement à la façon dont les religions orientent les rapports à la nature mais aussi aux racines ou composantes religieuses des discours écologistes ainsi qu’aux enjeux politiques qui sous-tendent les positionnements environnementaux des acteurs religieux. L’évènement, qui s’inscrit dans le cadre de la création d’un nouvel axe de recherche du Centre d’anthropologie culturelle (CANTHEL) de l’Université Paris Cité, a vocation à former un réseau d’anthropologues intéressé-es par le sujet en vue de développer des recherches collectives et d’alimenter le champs des « humanités environnementales » (Blanc, Demeulenaere, Feuerhahn, 2017).