Le Prix Pierre-Antoine Bernheim 2025 décerné à Erwan Dianteill pour « L’Oracle et le Temple »

Le Prix Pierre-Antoine Bernheim 2025 décerné à Erwan Dianteill pour « L’Oracle et le Temple »

Le Prix Pierre-Antoine Bernheim 2025 décerné à Erwan Dianteill pour « L’Oracle et le Temple »

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Nous sommes ravis d’annoncer qu’Erwan Dianteill, anthropologue et professeur à l’Université Paris Cité, ainsi que fondateur du Centre d’Anthropologie Culturelle (CANTHEL) (fondé à 2010) et co-directeur de la revue internationale cArgo qu’il a créée avec Francis Affergan, a reçu le prestigieux Prix d’histoire des religions de la Fondation « Les amis de Pierre-Antoine Bernheim » pour son ouvrage « L’Oracle et le Temple : De la géomancie médiévale à l’Église d’Ifa (Nigeria, Bénin) » (Labor et Fides, 2024). C’est le premier livre sur l’Afrique à recevoir ce prix d’Histoire des religions.

La cérémonie de remise du Prix aura lieu le vendredi 3 octobre 2025 à 18h, dans la Grande salle des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.

PRÉSENTATION DE L’OUVRAGE COURONNÉ

Nicole Bériou, membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres

Dans ce livre, Erwan Dianteill mène un travail approfondi d’exploration des pratiques et croyances religieuses de l’Église africaine d’Ifa, fondée au Nigeria entre 1929 et 1934 par Adebanjo Olorunfunmi Osiga, en quête d’authenticité religieuse africaine après s’être dans un premier temps converti au christianisme anglican dans sa jeunesse. Un lieutenant d’Osiga l’a aussitôt introduite à Porto-Novo, capitale du Bénin, où l’auteur a conduit l’enquête ethnographique préalable à la rédaction de son ouvrage. Il a profité pour cela d’un réveil des activités de cette Église au Bénin dans les années 1990. Combinant l’expérience de terrain et les ressources d’une collection remarquable de 470 ouvrages (dont huit d’Osiga) collectés au Nigeria dès 1937 et aujourd’hui conservés à Harvard, il met en évidence le syncrétisme à
l’œuvre dans une Église dont les bases doctrinales, morales et rituelles sont largement empruntées à l’anglicanisme, tandis que confluent par ailleurs avec ces éléments des croyances proprement africaines héritées de l’époque précoloniale (notamment la relation avec les esprits), et une pratique forte de la divination par la géomancie. Le clergé de l’Église d’Ifa compte ainsi, outre des célébrants qui assurent le service dominical dans un temple, des devins porteurs d’oracles qu’ils délivrent lors de consultations privées, en se réclamant du dieu du Destin (Fa ou Ifa), pour guider les fidèles dans leur vie privée. Plus précisément, les mêmes individus cumulent le plus souvent les deux fonctions, mais en les exerçant de manière clairement distincte dans le temps et dans l’espace. D’où la dichotomie suggérée dans le titre entre « l’Oracle »et « le Temple ». L’introduction dresse un bilan des recherches des anthropologues marquées par des courants divers depuis les années 1930. La donnée la plus originale de ce livre est la place que tient la pratique de la géomancie dans le Golfe du Bénin, dès le XVIIe siècle et sans doute bien plus tôt, sans que l’on puisse déterminer à coup sûr les chemins de sa diffusion, entre l’Afrique, l’Europe médiévale et le monde arabe. Le premier chapitre établit le constat des points communs de la géomancie pratiquée dans ces aires culturelles (recours technique à des formes mathématiques simples, et distribution des signes qui en sont extraits dans des « maisons » comme pour l’astrologie) et souligne la différence majeure des pratiques africaines, inscrites dans un polythéisme sacrificiel. La dimension religieuse se lit dans les actions propitiatoires en tout genre (prières, offrandes, sacrifices d’animaux) en vue de se concilier les dieux ou les anciens. Le chapitre suivant inscrit dans la durée l’émergence de l’Église d’Ifa de l’époque coloniale à l’époque postcoloniale, après la phase des conversions au christianisme opérées par les anglicans au XIXe siècle. Les pasteurs africains qui l’organisent revendiquent alors leur indépendance avec une inflexion nationaliste. Puis les chapitres 3 et 4 mettent en avant le rôle de l’écriture dans les années 1930. C’est alors que se constituent une théologie et une liturgie d’Ifa nourries par la traduction en langues locales du Book of Common Prayer, à quoi
se mêlent dans les prières des énoncés typiquement africains – comme cette invocation à Dieu : « Odumare, roi rigoureux, gros baobab qui fait frémir la forêt » (prière du matin). Il en va de même du système d’impératifs moraux auquel est consacré le chapitre 4. Chaque commandement d’un Décalogue enrichi est illustré par des récits qui proviennent de la tradition précoloniale, mais qui sont reformulés à la manière d’exempla à des fins d’édification. Le chapitre 5, assorti d’un cahier photographique suggestif, se concentre sur la distribution ternaire des lieux de culte, formant système tout en étant clairement différenciés selon leur usage pour la consultation privée, l’initiation au Fa ou la célébration communautaire. Celle-ci, présentée à partir d’un exemple détaillé de cérémonie dominicale dans le 6e et dernier chapitre, apparaît très normée. Cependant, les textes des prières montrent que les croyances ne sont pas réduites à l’adoration d’un seul Dieu : le polythéisme est toujours présent dans l’Église d’Ifa. Ce livre dense, construit avec soin, repose sur des bases solides et ouvre des perspectives remarquables sur le phénomène d’hybridation religieuse observé à partir du cas particulier de l’Église d’Ifa.

Dossier-Presse_PrixBernheim-2025

Toutes nos félicitations à Erwan Dianteill pour cette reconnaissance majeure de ses travaux !

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Centre d'anthropologie culturelle
EA 4545 | CANTHEL
45 rue des Saints-Pères
75270 Paris cedex 06

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