Depuis plusieurs années Octave Debary développe un projet d’anthropologie comparée de la mémoire et du temps. En s’intéressant à la façon dont une société met en mémoire (et en musées) son histoire, ses recherches l’ont conduit à l’étude de l’art contemporain dans ses rapports à la mémoire collective et individuelle. Ce livre s’est construit pendant toute une année en intelligence et en connivence avec Christian Boltanski. Figure centrale de l’art contemporain dont les œuvres sont présentes dans le monde entier, Boltanski parle de son travail en évoquant les tracés d’un art fragile, d’un art de l’ordinaire et du commun mais aussi de la musicalité, de la mémoire… Ses œuvres d’abord présentées sous forme d’objets (inventaires, photographies, documents, pièces à conviction, vitrines de références…) ont établi autant l’existence d’une histoire individuelle que leur ressemblance à celle des autres. L’artiste a poursuivi son travail autour d’objets de plus en plus fragiles, davantage reliés à une existence en suspens, à une transmission parlée, sonore, du mot à la note, dont sa dernière grande exposition Faire son temps (Centre Georges-Pompidou, 2019), comme son opéra comique Fosse (2020) et l’exposition Après (2021) sont les ultimes expressions.
Au-delà de sujets, il s’agit pour Octave Debary de construire une posture et une analyse qui promeuvent une dimension collaborative, comme il l’a fait avec les artistes allemands Jochen Gerz et Swaantje Güntzel, et comme ici avec l’artiste français Christian Boltanski. Ce livre s’inscrit dans une recherche entreprise depuis presque vingt années sur les « artistes de la mémoire » et constitue une contribution originale et importante au développement d’une anthropologie de l’art et de la réception. La raison d’être de cet ouvrage est marquée par la volonté (au-delà d’un apport documentaire, journalistique ou critique…) de promouvoir une anthropologie dialogique, où la prise de parole n’est pas le seul fait du chercheur. Octave Debary suit le chemin d’une pensée qui laisse une place à ses « enquêtés » à l’intérieur même de son propre texte, offrant ainsi au lectorat la matière première d’énonciation du discours de l’artiste.